Histoire et archéologie

Lévis se compose de 10 anciennes municipalités qui possèdent chacune une histoire qui lui est propre. L’abondant patrimoine que l’on retrouve aux 4 coins de ce vaste territoire témoigne toutefois d’un étonnant passé qui unit l’ensemble de la ville.

Présence autochtone

Fouilles archéologiques dans le secteur de Saint-Romuald à l’été 2009.

Le territoire couvert par la Ville de Lévis possède une histoire remarquable. Les racines de cette histoire remontent très loin dans le temps, bien avant l’arrivée des Européens. Par sa géographie, Lévis est un lieu propice à l’établissement des hommes.

Sa longue bordure fluviale, les rivières Chaudière et Etchemin qui remontent profondément à l’intérieur du territoire et le chapelet d’anses, de ruisseaux et de plateaux qui ponctue les terres ont permis aux premiers groupes de s’établir aisément. Ainsi, on retrouve sur le territoire lévisien une occupation autochtone 10 fois millénaire. En effet, des sites archéologiques apportent la preuve d’une présence aussi âgée que 10 500 ans dans le secteur de l’embouchure de la Chaudière, soit la plus ancienne occupation humaine de la vallée du Saint-Laurent.

Près d’une cinquantaine de sites archéologiques témoignent que différentes cultures se sont succédé, laissant dans le sol une grande variété d’artefacts, ce qui permet d’affirmer que Lévis fut un véritable carrefour de divers groupes et nations autochtones.

D’ailleurs, Lévis se distingue dans le paysage archéologique québécois par l’abondance de ses sites, mais également sur la somme d’informations qu’ils apportent à la connaissance des autochtones. Une étonnante collection d’artefacts permet d’apporter de nouveaux éclairages sur les évolutions technologiques, les écosystèmes anciens et les changements culturels.

La seigneurie de Lauzon

L’année 1636 marque un moment de première importance dans l’histoire régionale par la création de la seigneurie de Lauzon. Celle-ci sera le cadre du développement de tout le territoire durant les 250 années qui suivront.

Carte postale du village de Saint-Nicolas vers 1900.

Le régime français

La seigneurie de Lauzon, sise de part et d’autre de la rivière Chaudière, est nommée en l’honneur de son premier seigneur, Jean de Lauson. À l’arrivée des premiers Européens, les Amérindiens ont déserté la région, si ce n’est que des violentes incursions iroquoises qui ont découragé l’établissement des premiers colons.

Il faut attendre en 1647 pour apercevoir les premiers défrichements dans la seigneurie de Lauzon. Ces pionniers constatent rapidement que le sol de Lévis en bordure du fleuve n’est pas idéal pour l’agriculture. C’est pourquoi la pêche à l’anguille devient le principal moyen de subsistance dans la seigneurie.

Par conséquent, le territoire se développe en 2 voies distinctes : les falaises abruptes et la pauvreté des terres en bordure du fleuve Saint-Laurent favorisent l’implantation des petites et grandes industries telles que la pêche, les transports et des tanneries, tandis qu’un arc formé des paroisses de Lauzon, Saint-Jean-Chrysostome et Saint-Nicolas, constitué de terres riches et très fertiles, est davantage colonisé par l’agriculture. Jusqu’à la fin des années 1960, le territoire lévisien illustre encore ces 2 modes de développement.

Dans les premières décennies, la colonisation se fait lentement, conséquence du faible intérêt des seigneurs à développer leur propriété. Cependant, la côte de Lauzon devient le lieu d’accueil de nombreuses familles souches, dont les patronymes perdurent toujours. Citons par exemple les Couture, Lambert, Bégin, Huard, Lemieux, Demers, Cantin, Bergeron et nombre d’autres.

Tout au long du Régime français, le cœur de la seigneurie demeure à Lauzon, autour de l’église Saint-Joseph. Toutefois, de nombreux colons profitent de la richesse des terres plus à l’ouest pour s’établir dans la paroisse de Saint-Nicolas, un secteur qui possède encore de nos jours son caractère champêtre.

Le yacht Alexandria sur le plan de halage du chantier Davie Brothers pour réparation, vers 1900.

Le régime anglais

C’est principalement sous le Régime britannique que le développement du territoire lévisien prend son essor.

Profitant du contexte économique favorable du commerce du bois, les seigneurs Henry puis John Caldwell vont développer leur seigneurie comme une véritable entreprise privée.

Ainsi, à partir du début du 19e siècle, toutes les anses sont occupées pour l’entreposage et la transformation du bois venant de l’Outaouais à destination de l’Angleterre. En complémentarité, des moulins et des chantiers de construction navale s’établissent sur les rives encore disponibles.

Conséquemment, ces centres d’activités contribuent à l’établissement de nouveaux arrivants. C’est ainsi que vont apparaître de nouvelles paroisses le long du fleuve, dont celle de Saint-Romuald, qui joue alors un rôle majeur dans la région. De plus, d’autres moulins sont érigés plus haut sur les rivières. Ceux-ci favorisent l’accroissement de Saint-Étienne, Saint-Nicolas, Breakeyville et Pintendre.

Cohabiteront alors Canadiens français, Écossais, Anglais, Irlandais, Norvégiens et bien d’autres familles d’origines diverses. La bordure fluviale devient alors une véritable fourmilière, où quelques familles bourgeoises font ériger sur les hauteurs de somptueuses demeures pour échapper au brouhaha ouvrier.

C’est également à cette époque, soit en 1829, que naît le chantier de réparation de navires du capitaine Allison Davie. Celui-ci deviendra plus tard le plus important chantier maritime de toute l’histoire canadienne et représente encore aujourd’hui la plus ancienne industrie navale au pays.

Fondation d’Aubigny

Parallèlement à toutes ces activités, le centre névralgique de la région se déplace au milieu du 19e siècle de Lauzon vers l’ouest. John Caldwell fait ériger sur les hauteurs de la Pointe Lévy une ville qu’il baptise du nom d’Aubigny. Cette communauté bourgeoise désire faire le pendant de la ville de Québec. La trame urbaine de cette entité constitue aujourd’hui le Vieux-Lévis.

En 1851, le curé Joseph-David Déziel, dans un mouvement d’affirmation de la communauté francophone, fait ériger sur les hauteurs d’Aubigny une église qu’il fait nommer Notre-Dame-de-la-Victoire. Ce nom évoque le souvenir de la victoire des armées françaises sur les troupes britanniques le 28 avril 1760, lors de la célèbre bataille de Sainte-Foy.

L’architecte de cette victoire était nul autre que François Gaston, chevalier de Lévis, dont la nouvelle municipalité devait reprendre le nom. Ainsi, l’église du curé Déziel devient la pierre angulaire d’un vaste chantier institutionnel, dans lequel s’ajouteront progressivement le Collège de Lévis, le couvent, l’hospice, et la Ville de Lévis en 1861.

Au pied de cette ville naissante, le secteur de la traverse est depuis longtemps le point de convergence de tous les voyageurs désirant traverser vers Québec, tantôt en canot à glace, en bateau à vapeur et plus tard en traversiers modernes construits à même les chantiers lévisiens.

L’ère du chemin de fer

Installations ferroviaires du Grand-Tronc à l’anse Tibbits, vers 1880.

Au même moment, le chemin de fer du Grand-Tronc établit son terminus à l’anse Tibbits en 1854, en contrebas de la ville nouvellement fondée. Une complémentarité parfaite entre le transport maritime et le transport ferroviaire fait de ce lieu l’un des endroits les plus effervescents de toute la région de Québec.

Le Grand-Tronc, l’Intercolonial et le Québec-Central font de Lévis une tête de réseaux. Ainsi, Lévis se trouve reliée directement à Montréal, aux provinces Maritimes et à l’Ontario, ainsi qu’aux États-Unis. S’en suivit une vague de développement économique et industriel sans précédant.

Plusieurs milliers d’immigrants transitent annuellement par Lévis pour s’embarquer sur les trains vers l’ouest canadien ou américain. La région lévisienne est alors l’un des pôles économiques majeurs de l’est du Canada, à la grande jalousie de la ville de Québec qui est à la même époque en pleine stagnation. L’auteur et poète lévisien Louis Fréchette exprimait au sujet de sa ville en 1864, « Tu surgis, et Québec ta rivale a pâli! »

Les activités générées par le chemin de fer contribuent également au développement de nouvelles communautés autour des gares, comme c’est le cas pour Saint-Rédempteur. Charny devient à cette époque l’un des carrefours ferroviaires des plus importants pour l’est du pays. Cette communauté connaît une croissance particulière, étroitement liée à l’univers des cheminots.

Encore aujourd’hui, ce milieu joue un rôle de premier plan dans le trafic ferroviaire canadien. De plus, le train donne un nouvel élan aux exploitations agricoles et aux élevages des chevaux, principalement à Pintendre et Saint-Étienne, ainsi qu’à l’industrie du bois avec les moulins Breakey, qui donnèrent naissance à Breakeyville.

Le pont de Québec durant la levée de la travée centrale avant son effondrement en 1916.

Le 20e siècle

Cette effervescence économique contribue à l’essor commercial et industriel de la région au début du 20e siècle. Charny, Saint-Romuald, Lévis et Lauzon deviennent des acteurs économiques majeurs au Québec.

La construction du pont de Québec représente l’une des plus grandes réalisations à cette époque, mais apporte également sont lot de malheur avec ses 2 grandes tragédies, en 1907 et 1916.

À Lauzon, les installations des chantiers maritimes Davie deviennent le cœur d’un grand nombre d’activités. Près d’un millier de bateaux de tous gabarits y sont construits, dont les plus gros navires au pays. Au cours de la Seconde Guerre, plus de 6500 ouvriers y travaillent.

De nos jours, tandis que le premier chantier familial est un lieu historique voué à l’interprétation, les industries Davie de Lauzon poursuivent la construction de navires ultramodernes, et avec ses 2 cales sèches, représentent le plus important chantier maritime au Canada.

Accompagnant cette croissance, un grand nombre de communautés religieuses s’établirent dans la région afin de soutenir les œuvres institutionnelles. C’est ainsi que Lévis possède aujourd’hui un des patrimoines industriel, institutionnel et religieux des plus importants.

De grandes transformations

Au cours du 20e siècle, le territoire est témoin de nombreuses transformations successives. Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, les principales activités économiques sont encore localisées en bordure fluviale. Les chantiers maritimes et le secteur industriel sont en pleine effervescence. Lévis devient une force économique pour toute la région.

Par la suite, les centres d’activité économique et commerciale migrent progressivement du littoral du fleuve vers le plateau le long des grands axes routiers. Parmi les facteurs qui ont fortement joué en faveur de ce déplacement vers le plateau, il faut d’abord mentionner le chemin de fer et l’ouverture du pont de Québec (1917), mais surtout la popularité croissante de l’automobile et l’ouverture du pont Pierre-Laporte (1972).

On assiste, notamment au cours des décennies d’après guerre, à une véritable explosion démographique qui provoque une expansion urbaine considérable. Notons au passage que cette expansion urbaine se fait souvent au détriment du territoire agricole qui recule devant les nouveaux quartiers résidentiels. Tous facteurs confondus, Lévis devient pendant cette période une ville moderne et très active.

Les chutes de la Chaudière constituent un élément identitaire de première importance à Lévis. Source : Secteur des archives privées de la Ville de Lévis.

Un carrefour marqué par la diversité

Par sa situation géographique et son développement, Lévis est un carrefour naturel.

Son réseau de rivières a favorisé les rencontres et les échanges entre groupes autochtones alors que ses berges et ses anses ont joué le rôle de point de transit pour l’exportation du bois vers les îles britanniques et les États-Unis.

Par la complémentarité parfaite entre ses quais et les réseaux ferroviaires, Lévis fut jadis le lien tout indiqué entre le commerce outre-mer et l’intérieur du continent.

C’est par milliers que les voyageurs se rendent à Lévis, soit pour traverser le fleuve, ou pour de nombreux immigrants, prendre un train pour une nouvelle vie. De nos jours, Lévis demeure un carrefour routier, ferroviaire et maritime de première importance dans l’est du pays.

Lévis, c’est une composition de territoires diversifiés qui ont chacun forgé une destiné différente. Les méandres boisés de la rivière Beaurivage ont fait de Saint-Étienne un milieu basé sur les ressources naturelles, tandis qu’à Charny, la plaine fut occupée par les rails et les trains. À Pintendre, les champs en culture et les élevages de chevaux coloraient le paysage et quelques arpents plus bas, c’était par milliers qu’on entrait dans les chantiers maritimes de la Davie.

Lévis, c’est la diversité, c’est le mélange de terres occupées depuis de nombreuses générations et celles qui accueillent maintenant de nouvelles familles. Le patrimoine abondant dont elle a hérité témoigne bien d’un passé illustre. Partout sur notre territoire, les témoins du passé nous racontent une partie de notre histoire.